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Natascha, autiste et assistante juridique (article)

Avr 1, 2024 | Autistic Pride 2024, TSA | 0 commentaires

EXTRAIT – Le cliché qui énerve le plus Natascha au sujet de l’autisme ?

Dans le spectre de l’autisme, je pense que tout le monde n’est pas nécessairement tolérant non plus.

Je suis moi-même très psychorigide. Donc même pour moi, ce n’est pas simple parfois d’accepter l’opinion de quelqu’un d’autre, j’ai toutefois l’impression que les autistes sont tout de même obligés de faire plus d’efforts pour s’adapter plutôt que l’inverse.

Donc, je ne sais pas, en termes de cliché, moi, c’est le fait de mettre à l’écart ou d’ignorer ou de faire semblant d’accepter quelqu’un alors qu’en fait, ce n’est pas le cas.

Le manque d’intégration me dérange vraiment parce qu’il y aura de plus en plus de handicap. C’est statistiquement prouvé. J’aimerais vraiment que ce soit considéré comme acceptable, c’est une particularité, certes, comme un grain de beauté sur le nez par exemple. Mais cela ne devrait pas déranger l’autre, ce n’est pas contagieux.

Alexia d’Hapyk

Oui, que ça devienne un non-sujet, en fait.

Natascha

C’est ça, totalement. Que tout le monde soit un peu aidant, que tout le monde soit plus solidaire. 

A propos du format de ce portrait

Dès le départ, on voulait inclure le maximum de personne dans ce projet.

Et toutes les personnes autistes n’aiment pas se montrer en vidéo ou révéler leur voix. Mais leurs expériences comptent aussi.

On a donc choisi, suivant le souhait de Natascha, de publier la transcription de notre conversation.

Elle a juste été éditée, comme les autres, pour les éventuels petits détails, mais on espère que vous irez jusqu’au bout (votre smartphone ou PC peut vous le lire aussi), parce que l’expérience de Natascha mérite d’être connue.

Trigger Warning – en début d’interview, Natascha parle de sujets difficiles et de trauma.

Transcription complète de l’interview de Natascha

Alexia d’Hapyk

Aujourd’hui, Natascha, que fais-tu ? Qui es-tu ?

Natascha

Ouh là là ! Par quoi on commence.

On va commencer par l’âge, ce sera le plus simple. J’ai 47 ans. Mon diagnostic officiel est daté de février 2024, c’est donc extrêmement récent.

Autrement dit, il fait suite à un parcours de vie tumultueux, mais je pense que c’est le cas de tous les diagnostics tardifs à l’âge adulte. J’ai repris le travail en février en mi-temps thérapeutique après une année 2023 plutôt difficile, qui a fait exploser ma bulle, et plusieurs mois d’absence au travail.

C’est suite à un burn-out et une importante remise en question que j’en suis arrivée à rechercher la/les cause(s), une explication concrète pour mes ennuis récurrents, puis à consulter de nombreux spécialistes afin de trouver des pistes et des solutions pour améliorer mon existence.

Je sais pertinemment que l’autisme peut être accompagné de co-occurrences, tels que le TDA, le haut potentiel, l’hyper-émotivité, le stress post-traumatique, la dépression, un trouble de la personnalité. Je suis ainsi convaincue qu’il n’explique pas toutes mes particularités et difficultés, néanmoins je n’éprouve pas le besoin ni l’envie de chercher plus loin car il suffit à me permettre de reconnaître et d’accepter ma différence.

Aujourd’hui si je parviens pour moi-même à mettre des mots sur mes maux, et que j’apprends à m’accepter telle que je suis, j’aurai moins besoin de rechercher l’assentiment des autres pour exister.

Suivant les périodes et les situations, un trouble prédomine sur l’autre et ce n’est pas grave. Je ne me range pas dans une seule catégorie, je ne m’attribue pas une seule étiquette.

Est-ce que j’ai vraiment besoin de savoir avec exactitude tout ce qui me caractérise ? Probablement que non. Parce que je vis avec moi depuis 47 ans.

Natascha

Je suis assistante juridique, une profession que j’exerce depuis cinq ans environ. Travailler dans le domaine juridique n’est pas un choix personnel mais il me convient, j’apprécie un cadre, des règles, les procédures. Je n’aime pas l’injustice, le mensonge, la flatterie, la condescendance, l’indifférence, je ne supporte pas que l’on s’acharne sur une personne vulnérable, fragile, je pense être vraiment à la recherche de vérité et d’humanité.

Globalement au sein de la société, je ressens malheureusement que ce n’est pas ce qui prédomine.

Et quand on côtoie des juristes, on se rend bien compte aussi que maitriser les lois, c’est aussi savoir les utiliser à son avantage, les détourner…

Alexia d’Hapyk

Oui, j’allais dire, c’est la théorie et la pratique.

Natascha

Voilà, c’est ça. C’est à double tranchant, mais moi, c’est ainsi que j’exerce.

Je sais que je suis trop pointilleuse sur les détails. Je dis trop parce qu’on m’a récemment reproché de tenir une liste précise de suivi de mes activités quotidiennes, de m’attarder sur des détails, de revoir mes priorités, même si certains autres le valorisent comme une qualité.

Je suis aussi maman de deux enfants qui sont adultes, 25 ans et 23 ans, deux filles, que j’ai élevées seule. Je me suis retrouvée seule avec ma fille ainée de 2 ans et demi et ma dernière à peine âgée d’un mois et demi. En gros, mon vie a été majoritairement constituée en vase clos, auquel s’est ajouté un chien et mon activité professionnelle et de faire en sorte que tout aille pour le mieux compte tenu des circonstances.

Alexia d’Hapyk

Ça peut se comprendre qu’à un moment, ça soit devenu trop. Parce que ça a dû quand même être sport.

Natascha

Oui, un peu. Puis, je ne sais pas si je suis la seule à éprouver ça, mais quand on est maman et qu’on réfléchit par rapport à ses enfants, à leur avenir, on éprouve ce sentiment d’utilité qui est créé par le rôle de mère qui occupe toute la place et peut remplir une vie.

Mais quand mes enfants sont devenues autonomes, indépendantes, je me suis sentie brusquement vide, sans but. Il a fallu retrouver un sens et ce n’est pas une mince affaire.

Alexia d’Hapyk

Les Anglais, ils appellent cela le « empty nest syndrome », donc le syndrome du nid vide.

Et ça, c’est valable pour tout le monde, ce n’est pas un truc spécial.

Natascha

Non, non du tout. J’imagine bien.

Alexia d’Hapyk

Tu n’es pas seule.

Moi, je pense que ça va nous faire encore plus bizarre parce que comme les nôtres, ils sont à besoin intense, on va dire, puisqu’ils sont tous les deux autistes, si un jour, et j’espère, ils sont organisés, ça va faire: Mais maintenant, on fait quoi ?

Natascha

Dans mon cas, ça n’a été uniquement dans ce sens car j’ai eu aussi besoin de mes enfants.

Quand ils sont petits, puis ados, on sait bien qu’ils ont besoin de nous, mais je n’ai pas toujours été une maman forte et solide. Mes enfants ont eu une maman un peu fragile à certains moments et ont été plutôt soutenantes.

Et puis, à un moment donné, elles ont eu besoin de s’évader aussi parce que c’était lourd de tout gérer, de devoir autant se responsabiliser, de vivre dans une insécurité matérielle et financière parfois. L’internat leur a permis de se retrouver avec des ados de leur âge, de réfléchir à ce qu’elles voulaient faire de leur vie, de penser à elles. Et encore aujourd’hui, même si elles vivent ailleurs, j’ai de la chance d’avoir des filles extrêmement présentes.

Mes filles n’ont aucun diagnostic particulier. Elles sont toutes les deux hyper-sensibles, avec un grand potentiel, ma cadette hyper-active et difficile à canaliser depuis ses deux ans.

Mais elles l’ont bien vécu car nous nous sommes mutuellement adaptées sans que je leur impose ce qu’elles vivaient mal.

Elles ont vécu harcèlement de la part d’élèves et de professeurs mais sans laisser s’installer le problème.

J’ai aussi subi des situations abusives au travail donc il y a eu de nombreux déménagements, changements d’école, pertes d’emploi et autres accidents de parcours. Notre stabilité c’était notre cocon familial à 3.

On se pose la question du diagnostic quand on a des situations récurrentes et répétitives dans son parcours (ruptures sentimentales, licenciements, difficultés relationnelles), j’ai donc cherché parce que j’avais réellement besoin d’aide, d’être entendue, écoutée.

Natascha

Je vais commencer par le commencement.

Le diagnostic fut complexe car psychologues et psychiatres se sont demandé si mes problèmes venaient des traumas familiaux passés, qui ont démarré dans ma petite enfance, et donc si ce sont les traumas qui avaient forgé mon comportement inhabituel ou si j’étais différente depuis ma naissance et que mes particularités sont devenues apparentes et dérangeantes pour mes parents à l’arrivée de mon frère, né un an après moi.

Après de nombreuses conversations et analyses de ma vie familiale, de mes souvenirs, il a semblé plus pertinent de penser que c’était ma différence, devenue plus visible lorsque mon frère est arrivé, qui a engendré une attitude violente de mes parents à mon égard depuis mes 3 ans environ.

Les professionnels sont donc finalement parvenus à un résultat, autiste avec un haut potentiel intellectuel qui expliquerait le camouflage, le masquage durant toute ma vie adulte.

Je suis la première d’une fratrie, mais je n’ai pas eu la chance de grandir dans une famille soudée, aimante, bienveillante, attentive. J’ai un frère et deux demi-sœurs, parce que mon père a refait sa vie et depuis toute petite, je me suis toujours sentie en décalage, expérimentant un traitement différent de la part de mes parents à mon égard.

Mon frère était un enfant « normal », mignon, souriant, vivant, sociable, qui communique, qui fait les bêtises de son âge, des caprices, duquel on accepte ses travers, ses limites.

Les miennes n’ont pas été acceptées. Trop discrète, difficile en relation avec l’alimentation.

Mes parents ne me comprenaient pas, mon absence de réactivité, mon dégoût pour certains aliments, j’étais un peu enfermée dans ma bulle, solitaire.

Ne pas réagir ne m’a pas protégée de leur comportement agressif et violent, que j’ai emmagasiné, mémorisé.

Mon père a quitté le foyer, lorsque j’avais neuf ans.

À mon tour, j’ai quitté ma mère à mes 16 ans suivant un instinct de survie, car ma famille m’avait toujours paru toxique et dysfonctionnelle.

Alexia d’Hapyk

Une survivor, c’est ça que je dis.

Natascha

Oui, un peu, mais ça reste difficile parce que je suis encore en mode survie.

Mes enfants me remotivent à nouveau depuis plusieurs mois pour que je ne renonce pas : « on a encore besoin de toi, on aura toujours besoin de toi » mais je ne le ressens pas toujours ainsi.

Positiver reste compliqué. Vivre pour moi n’est pas naturel. Je me vois souvent comme un poids, une inadaptée, une alien.

Alexia d’Hapyk

Je crois que j’avais lu des études qui disent qu’avec l’autisme, comme la mémoire est très puissante, la mémoire biographique qui, à long terme, est très puissante, les traumas sont beaucoup plus ancrés.

Parce que le cerveau se souvient de tous les détails très précis et on ne peut pas enlever les souvenirs de son cerveau, chez n’importe qui, mais chez une personne autiste, c’est pour ça qu’ils estiment que pratiquement, je crois, 80 ou 90% des personnes autistes à l’âge adulte ont un trauma.

Et pas forcément un trauma à accident de voiture, mais ils appellent ça des traumas complexes.

Et les traumas complexes, c’est des traumas qui sont relationnels.

C’est surtout des problèmes, soit c’est de la maltraitance ou des choses vraiment clairement que tout le monde va reconnaître, ou ça va être le fait de vivre dans un environnement qu’on ne comprend pas avec des gens qui font des trucs qu’on ne comprend pas et on a des réactions que nous, on ne comprend pas.

Toute cette insécurité, qui n’est de la faute de personne, je pense que ça peut être très difficile à vivre.

Ça crée ce qu’ils appellent les traumas complexes. Le problème du trauma complexe, c’est qu’il n’est pas classé au DSM encore, mais les Américains essayent de vraiment le faire reconnaître et on le trouve très fortement chez les personnes autistes et notamment les femmes.

Natascha

C’est là que je trouve mon sentiment parfois injustifié lorsque j’observe les autres, car je me dis: « Je ne suis pas la seule à avoir un parcours traumatique, il y a bien pire. »

Je ne vais pas en parler en détails du mien, mais d’autres ont vécu l’inceste, la séquestration, etc. Il existe tant d’histoires dramatiques. Et je me dis: « Pourquoi moi, j’ai l’impression que chaque trauma va s’ajouter à l’autre sans que jamais je ne parvienne à le digérer. Je cumule, le vase a débordé depuis longtemps et en fait, il ne se vide jamais. Et c’est vraiment ce sentiment de trop-plein que j’ai vécu ces deux dernières années. Je m’étais déjà sentie déprimée mais je fuyais toute relation, évitant tout contact qui pouvait me mettre en danger, tout conflit possible. Cette attitude de fuite me suit depuis mes 16 ans.

Donc, de nouveaux traumas suivis par des période d’évitement, tout simplement. J’ai vécu longtemps dans ce tout petit univers que représente mon foyer, mes enfants et moi parce que je n’étais pas à même de donner ma confiance, de supporter les autres.

C’est ce mode survie qui m’a protégée durant de nombreuses années jusqu’à ce que mes enfants quittent le nid et que mon travail représente ma principale béquille.

J’ai tenté de socialiser, de revenir au monde en m’ouvrant, autant que j’étais en mesure de le faire, aux autres et le sentiment de mal-être et des situations pénibles sont revenues, j’ai subi des agressions que je n’ai plus su encaisser et je me suis refermée totalement.

Il s’est passé beaucoup de choses en 3 années et j’ai perdu pied en 2023. En me confrontant aux collègues, en essayant de m’intégrer, je restais tout de même en marge, sans proximité dans des échanges polis et superficiels. Je pensais faire des efforts pour être acceptée, appréciée, me comporter tel qu’il était attendu mais lorsque j’étais en surcharge j’étais encore plus incomprise et marginalisée.

Rien de ce que je pouvais dire ou faire ne fonctionnait, je restais dans l’incapacité totale tantôt de susciter l’intérêt, tantôt de m’intéresser suffisamment aux autres et je ne parvenais toujours pas à me faire des amis.

Je me suis dit: « Je ne réagis pas comme les autres. » Je me rendais malade à me poser toutes ces questions, à ne jamais savoir comment me comporter de manière authentique sans avoir peur du jugement, le manque de filtres par moments, le mutisme à d’autres, ma vulnérabilité et ma sensibilité affichées, mon excès d’émotions incontrôlées qui commençaient à perturber les collègues.

La souffrance induite par le rejet, l’incompréhension, l’indifférence m’a fait m’éloigner socialement, à me cantonner à mon travail, à éviter tout évènement pour ne plus ajouter au trop-plein déjà ressenti, jusqu’à ne plus être capable d’aller travailler puis de sortir de chez moi, jusqu’à l’hospitalisation.

Alexia d’Hapyk

Oui, mais ça semble adapté aussi. Si on est en trop plein, ça ne sert à rien d’aller continuer à se dégrader. Mais du coup, là, tu as repris une activité?

Natascha

Oui, je suis retournée auprès du même employeur qui m’occupe depuis 2018, après avoir reçu mon diagnostic.

Alexia d’Hapyk

Là, tu as dit en mi-temps thérapeutique, donc ça veut dire que tu travailles à mi-temps, j’imagine, puisque ça s’appelle comme ça. Et comment ça s’organise ? C’est deux jours, c’est en présentiel, c’est en distanciel ?

Natascha

J’ai décidé de me réaccoutumer en passant deux jours continus en présentiel au bureau, parce que j’ai besoin de socialiser un peu à nouveau, après avoir été coupée de tout pendant trois mois.

Il faut que je me confronte à nouveau aux gens si je souhaite avancer, savoir comment je vais réagir maintenant que je sais, constater la réaction de ceux qui savent.

J’ai décidé de n’en parler qu’à ma chef et aux plus proches collègues qui occupent le même bureau que moi, parce que j’avais besoin d’un tout petit peu d’aménagement, ne serait-ce que par rapport à la lumière.

Et puis par rapport au fait d’avoir mon propre bureau, parce que malheureusement, on est dans un espace non attribué où on est censé pouvoir occuper n’importe quel bureau disponible et se réinstaller chaque matin à un nouveau poste.

Ça m’avait semblé compliqué, cette absence de repères, d’emplacement fixe, de cadre sécurisant. Donc du coup, il y a quelques petits aménagements, pas grand-chose, mais ça reste important : lumière tamisée, ma propre table, des instructions écrites plutôt que verbales.

Je me rends compte que ça facilite un petit peu la vie quand même.

Alexia d’Hapyk

Ça, ça a été facile ? Pour eux, ils ont compris, ils ont l’air plutôt compréhensifs.

Natascha

Oui, ils le sont. Ma nouvelle manager n’a vraiment aucun problème avec ça du tout. Même si je sais que je dois quand même compenser, je dois supporter parfois des collègues qui parlent fort, qui rient fort, qui travaillent avec énormément de lumière que je tamise à mon arrivée, mais c’est la vie. Il faut faire avec.

Puis quand je rentre le soir, je suis épuisée, je n’ai pas retrouvé un rythme définitif, il faudra que je songe à retravailler à nouveau à temps plein un jour mais je ne me sens pas prête. Ce n’est que le début de la reprise, donc c’est normal que ce soit difficile.

Alexia d’Hapyk

Oui, donc tu travailles deux jours par semaine et puis le reste du temps ?

Natascha

Oui, et une demi-journée en télétravail.

Alexia d’Hapyk

Oui, où tu peux terminer les trucs et tout ça.

Natascha

Oui, et avoir une communication téléphonique avec mes collègues proches. On se parle une fois par semaine, donc ça va. Pour l’instant, ça se passe bien.

Alexia d’Hapyk

Mais tu as demandé quoi comme aménagement pour la lumière ? C’est quoi ? C’est l’éclairage ?

Natascha

Oui, on a des néons hyper puissants et la plupart du temps, les gens ont tendance à allumer la lumière alors qu’il n’y a pas nécessairement besoin. Moi, j’aime bien travailler dans le noir, avec la lampe de bureau, ça me suffisait déjà à l’époque.

Avant de savoir, l’an dernier, je travaillais beaucoup mieux pendant la période de midi quand il n’y a personne et le soir, quand tout le monde est parti.

J’éteins la lumière, j’ai juste ma lampe de bureau, aucun bruit, aucune conversation alentour.

Mais ça rallongeait mes journées.

Donc à l’avenir, je ne veux plus poursuivre ainsi. Il faut que ça change.

Finalement, ce n’est pas une grosse adaptation.

Quand j’arrive, je leur demande: « Est-ce qu’on peut tamiser ? » Sinon je vais être focalisée sur la lumière toute la journée, difficile de se concentrer sur autre chose en étant gênée.

Donc, ils l’ont plutôt bien accepté. Oui, ça fait plaisir, je ne m’y attendais pas, donc c’est positif.

Alexia d’Hapyk

Oui, mais en plus, quand t’y penses, c’est bon pour personne, des néons. C’est ce qu’on dit souvent, ce qu’on aménage pour une personne autiste, en général, c’est bien pour tout le monde.

Natascha

Oui, c’est vrai que je n’avais pas pensé ça comme ça, mais oui, j’imagine.

Alexia d’Hapyk

Les néons, ils te disent partout, je ne sais pas, dans les bureaux, ils te disent que les néons, ce n’est pas bon pour les yeux, même d’un point de vue… J’avais rencontré des designers qui essayaient de… J’avais des étudiants comme ça, parce que j’ai travaillé avec des startups qui voulaient faire une lampe, justement, mieux pour les yeux, je ne sais plus quoi. C’était pour tout le monde. Il y a plein de choses comme ça. Et puis les open space, tout le monde déteste les open space.

Natascha

Oui, je l’ai fait, ce test, travailler deux semaines dans un espace totalement ouvert, avec bureaux non attribués. Je craquais plusieurs fois par jour, et j’étais soulagée quand la période de test s’est terminée.

Alexia d’Hapyk

Les tolérances plus importantes d’une personne neurotypique. Moi, je sais que quand un employeur dit: On a des bureaux fermés, les gens, ils sont contents.

Natascha

Oui, c’est vrai que c’est mon expérience principale durant mes 27 années de travail, j’ai souvent eu un bureau seul ou à partager avec une autre personne. Et là, c’est vrai que c’est gérable.

Depuis que je travaille là où je suis, on est souvent quatre, cinq, donc ça complique un peu la cohabitation avec des personnes extraverties, ou peu discrètes.

Alexia d’Hapyk

C’est ça, mais ce n’est pas efficace. Il y a du trafic, il y a des gens qui parlent. Pour la productivité, même, ce n’est pas forcément intelligent. Mais bon, ça, c’est un autre débat.

Natascha

Oui. On ne peut pas changer le monde.

Alexia d’Hapyk

Ce que tu aimes dans ton travail, j’imagine que tu as du contact social, tu as dit, tu as le côté un peu justicier, justicier masqué peut-être (rire) ?

[00:17:22.460] – Natascha

Oui, et le côté documentaire, procédure. Je sais que ça, c’est une partie que j’aime beaucoup. Corriger, réviser des choses, des documents. J’ai un peu cette capacité.

Alexia d’Hapyk

Trouver les erreurs ?

Natascha

Exactement. Après, je sais que ça dérange beaucoup, car je trouve toujours des erreurs s’il m’arrive de déléguer.

Alexia d’Hapyk

Ce n’est pas le but?  Ils ne sont pas contents quand tu trouves les erreurs ?

Natascha

Quand c’est eux qui les ont faits, non, pas trop. Et puis, quand on ne m’a pas demandé de corriger surtout parce que malheureusement, ça, c’est mon défaut, c’est que j’ai tendance à passer derrière.

Alexia d’Hapyk

Tu ne peux pas t’en empêcher.

Natascha

Non, c’est plus fort que moi.

Je suis trop perfectionniste sur l’orthographe, la grammaire, et même quand mon prénom est écorché dans un email, je le corrige dans ma réponse (rire).

Et en fait, je corrige même quand ça n’a pas d’utilité, parce que ça me dérange. C’est vrai que ça prend un temps fou.

On verra, si je parviens à m’améliorer cette année, à fermer les yeux, à en faire moins. Mais oui, j’aime beaucoup l’attention aux détails, la syntaxe, les langues étrangères. Je travaille dans un milieu anglophone. Il y a cet aspect cosmopolite que j’apprécie beaucoup, toutes ces nationalités différentes qui se côtoient. Je travaille dans une institution européenne.

Alexia d’Hapyk

C’est cool.

Natascha

Oui.

Alexia d’Hapyk

Moi, j’étais à l’École européenne à Bruxelles, donc je connais bien.

Natascha

D’accord.

Alexia d’Hapyk

Oui, ce qui est bien, c’est qu’il y a différentes cultures et donc du coup, il n’y a pas de normes uniques.

Natascha

Exact. Du coup, il y a généralement plus d’effort d’adaptation, c’est vrai. Quand on est dans un milieu franco-français, on se rend compte qu’en effet, il y a beaucoup de choses qui ne sont pas acceptées, pas tolérées. Alors que nous n’avons pas le choix de nous adapter, d’être plus ouvert d’esprit. Tant de cultures différentes qui cohabitent suppose de faire plus attention à son comportement et son vocabulaire.

Alexia d’Hapyk

Oui, et puis, il peut même pour toi. Je pense que ça… Parce que j’ai parlé à quelqu’un d’autre qui avait un peu une expérience similaire où elle a été plusieurs fois à l’étranger. Tu verras son témoignage, elle s’appelle Marie.

Et le fait qu’à l’étranger, l’autisme, il existe moins. Parce qu’on peut dire: C’est parce qu’elle est étrangère ou si c’est quelque chose qu’elle ne comprenait pas, tu peux poser la question parce que tu peux dire: Je n’ai pas compris exactement la formulation. Il y a une sorte de tolérance.

Natascha

Exact, il y a une tolérance plus importante je pense. Après, je ne sais pas si c’est important, mais j’ai aussi eu un parcours un peu particulier de par le métier de mon père à l’époque. Il était militaire dans l’Armée de l’Air Française, on a vécu en France et en Allemagne. A coup de mutations, j’ai régulièrement déménagé, ce qui fait que j’ai appris l’allemand assez jeune. Ma mère est allemande, je suis née en Allemagne et mon père est français, donc je suis bilingue. Grandir dans une double culture influence aussi la vie.

Alexia d’Hapyk

Oui, puis c’est des apprentissages, c’est une forme d’apprentissage à la flexibilité.

Natascha

Oui. Mais à part cela mes parents n’étaient pas vraiment très flexibles. Ni tolérants. Je trouvais cela étonnant compte tenu du milieu dans lequel ils évoluaient.

Alexia d’Hapyk

On m’a dit qu’il y a pas mal de personnes autistes dans l’armée. Elles ne sont pas forcément diagnostiquées, mais il y en a pas mal. Il y a beaucoup de personnes avec un TDA aussi.

Natascha

D’ailleurs, aujourd’hui, je me pose la question.

Mon père est décédé il y a quatre ans, mais je me dis que mes symptômes ne viennent pas de nulle part. Mes deux parents ont des particularités pour lesquelles ils n’ont jamais été chercher de diagnostic, mais ils n’étaient pas faciles à vivre tous les deux.

Alexia d’Hapyk

J’ai déjà discuté avec des personnes qui viennent du milieu militaire et tu te dis quand même: Il y a des règles très strictes, c’est bien clair, tout est explicite. Il n’y a quand même pas forcément… Ils n’ont pas forcément des postes en pleine action, je n’en sais rien peut-être. Mais bref.

Donc, du coup, ce que j’ai compris, c’est que ton profil, c’est un avantage dans ton travail, parce que tu vois tout de suite ce qui ne va pas, tu aimes bien chercher les trucs, tu leur trouves les détails. Alors forcément, des fois, ils ne sont peut-être pas prévus l’exhaustivité, mais au moins, c’est quand même valorisé, j’imagine?

Natascha

Je suppose que oui.

En fait, pas tout le temps.

Parce que c’est vrai que j’en parlais avec ma fille il n’y a pas longtemps et elle m’a dit : « Tu sais, un lieu de travail, en fait, ce n’est pas seulement un lieu où travailler ».

Et je lui répondais que pour moi, c’était bizarre ce qu’elle disait, pas logique.

Mais elle a ajouté: « Oui, on y va pour faire connaissance avec des gens et pour parler de son domaine de compétences, bien sûr, parce qu’on a des intérêts communs. »

Elle travaille dans le scientifique, donc je sais qu’elle aime forcément plutôt côtoyer des personnes scientifiques, c’est son domaine de prédilection, sa spécialité.

Et en dehors de ça, les collègues qu’elle côtoie plus amicalement, c’est par rapport à des passions communes. 

« Sur son lieu de travail, on se trouve des intérêts communs et on se rapproche de gens par rapport à ça. »

Et je lui réponds: Oui, je vois les autres faire mais ça, je connais peu, parce que j’ai toujours été au travail pour travailler, avec acharnement, dévotion, sans me laisser détourner, en restant concentrée sur les tâches qui m’attirent le plus.

J’essaie de changer d’optique, dorénavant je me rends compte que je dois me rapprocher de personnes qui aiment les mêmes choses que moi, auparavant c’était principalement l’activité qui m’intéressait plus que les personnes qui y participaient.

Elle ajoute que récemment elle avait eu un débat avec son chef, suite à un problème qu’elle avait rencontré avec un collègue auquel elle avait adressé une requête dès le matin, à laquelle il n’avait pas répondu avant la fin de la journée. Le chef lui avait répondu si ce collègue était encore en train de jouer aux échecs sur son ordinateur lorsqu’elle l’avait sollicité.

Elle ne s’en était pas plainte directement mais apparemment le chef était déjà informé du problème, digressant sur le fait qu’il était conscient que les employés ne travaillaient pas 8h sur 8 et que ce n’était pas ce qu’il attendait. C’était la normalité.

Ah d’accord, donc quand on travaille 8h sur 8, qu’on est tout le temps occupé à quelque chose, ce n’est pas normal.

Je me dis: OK, il faut que je change ça. Parce que c’est vrai que je n’ai pas beaucoup de contacts sociaux, je n’ai peu d’atomes crochus avec les gens et puis c’est difficile de s’intéresser aux conversations de machines à café, à la météo, aux vacances des uns et des autres, à leurs familles, leurs animaux.

Ils le font par habitude et par politesse. Il faut demander comment ça va, même si on n’est pas intéressé par la réponse, mais ça reste compliqué.

J’ai toujours besoin de trouver un intérêt, un vrai sujet de conversation, sinon impossible de relancer le dialogue.

C’est ce qui m’angoisse le plus.

Alexia d’Hapyk

C’est intéressant parce que moi, j’ai compris toujours ça en y pensant,

c’est que la personne autiste, elle est toujours intéressée par le contenu de la relation, alors que la personne neurotypique, elle est intéressée par le processus.

C’est-à-dire que quand on observe des personnes neurotypiques à un café ou n’importe où, ce qu’ils disent n’a presque aucune importance. J’exagère, mais souvent, Ils peuvent parler de choses… Ils vont avoir une conversation relativement simple, mais ce qu’ils échangent, c’est le fait d’être ensemble, c’est le fait de discuter, c’est vraiment la relation, l’événement.

Alors qu’une personne autiste, c’est ça qui est différent, intéressant.

C’est la différence, c’est qu’il y a vraiment une espèce de… On doit parler d’un sujet intéressant.

Donc, si le sujet est intéressant, ça devient une conversation qui dure quatre heures ou je n’en sais rien. Ça va être un truc ultra riche, mais ce n’est pas du tout la même… Ce n’est pas la même logique.

Moi, je pense que les deux sont intéressants.

Moi, j’aime bien les deux, mais je vois bien des fois, quand mon fils, il me dit: « Pourquoi je demanderais ce truc ? Je m’en fiche de la réponse ». Mais c’est là où je lui dis: Oui, mais en fait, on ne pose pas la question. Ce n’est pas la réponse qui compte, en fait. C’est juste dire, c’est une façon de dire: Je te vois etc…

[00:24:39.890] – Natascha

je m’intéresse à toi. Oui, je commence à comprendre (rire).

Alexia d’Hapyk

Et du coup, je vois bien qu’il me dit: Regarde, je dis: Oui, mais ça n’a pas de sens, en fait. Je dis: Si, parce que pour les personnes neurotypiques, c’est satisfaisant.

C’est aussi satisfaisant qu’une personne autiste qui va discuter de son intérêt avec une autre. Ce n’est juste pas la même façon de le faire.

Natascha

Mais c’est vrai que ça aurait été plus facile si les gens m’avaient expliqué ces codes au moins une fois.

Les neurotypiques sont généralement moins directs, moins cash, moins francs, peut-être pour ne pas blesser, du coup ils ne disent pas clairement les choses.

On ne connaît pas leur interprétation, on ne sait pas comment on est perçus, aucune idée.

Ce qui m’a aidé personnellement, ce sont mes enfants. Quand ma cadette me disait: « Mais tu es bizarre, pourquoi tu fais ça ? – Eh non, ça, ce n’est pas normal. – Détends-toi, on est en public, moins fort, sois plus discrète – Ta réaction n’est pas appropriée, etc … »

Au début, je n’entendais pas, maintenant que je sais que cette différence n’est pas socialement acceptée, j’écoute parce que je sens bien le décalage, que mon impulsivité peut être gênante, ou mon manque de tact, de diplomatie, même si ce dernier trait de caractère, j’ai toujours su.

Mais sans en avoir le contrôle. On vit ce décalage sans en connaître les raisons, la cause.

Maintenant, je sais et je peux me dire: OK, ralentis (sans éprouver de frustration).

Tant pis si je ne parviens pas à partager un sujet dont j’avais absolument envie d’en parler.

Par ailleurs, mes filles me signalent qu’il m’arrive de radoter sur les mêmes sujets, de me répéter, en tous les cas dans le cercle familial où je suis totalement à l’aise.

A d’autres moments elles pensent que je suis un vrai moulin à paroles.

Aujourd’hui je fais un peu plus attention à ne pas toujours parler des sujets spécifiques qui m’intéressent sur le moment, de plus certains de mes intérêts spécifiques changent régulièrement. Je les oublie puis passe à autre chose.

Alexia d’Hapyk

Oui, ou tu peux parler des choses qui t’intéressent, mais après, il faut juste bien apprendre à décrypter quand la personne en face en a marre. Parce qu’en fait…c’est l’autre option.

[Natascha

Plus le temps passe et plus je ressens une plus grande simplicité des rapports avec ceux qui connaissent mon diagnostic, je suis moins stressée et me questionne moins sur ma manière de me comporter. Je suis en phase d’acceptation.

Alexia d’Hapyk

Je pense que les gens sont intéressés. Ça me faisait penser à une série télé qui s’appelle Bones, une vieille série.

Natascha

Que je regardais avant.

Alexia d’Hapyk

Regarde-la maintenant.

Et peut-être la regarderas-tu différemment. Parce que moi, je l’ai regardé il n’y a pas longtemps et après trois épisodes, j’étais là genre: Ah, OK (rires).

Parce que son comportement, il est ultra autistique.

Je veux dire, elle est à fond sur son truc, elle dit des trucs cash, puis elle ne comprend pas pourquoi on lui pose certaines questions.

Mais ce qui est chouette dans la série, c’est que les gens autour s’adaptent, ils lui donnent aussi des billes.

Et puis, progressivement, parce qu’il y a beaucoup de saisons, je ne sais plus combien il y en a, mais au moins huit, l’agent du FBI, qui est le neurotypique de service, lui montre.

Et au fur et à mesure, on voit qu’elle commence à absorber d’autres logiques. Et lui, pareil, commence à réfléchir comme elle. Il y a une espèce d’échange.

Et comme ce n’est pas une série spécifique sur le sujet, dont le but, n’est pas l’autisme. Ce n’est jamais dit, jamais évoqué, ce n’est même pas le sujet de la série. Je trouve que cela rend la série presque plus intéressante pas comme Atypical ou autre du même acabit.

Natascha

Exact. On met l’accent sur la différence, on met une étiquette, en effet.

Alexia d’Hapyk

Du coup, on est tout le temps sur le cliché, alors que dans Bones, c’est beaucoup plus subtil. Et je trouve que c’est vraiment un personnage intéressant.

Natascha

C’est vrai, mais je n’y avais jamais pensé, parce que tout le monde connaît Good Doctor, etc. Et là, c’est un peu exagéré. C’est même atypique pour un autiste.

Alexia d’Hapyk

Oui, il y a plusieurs séries de ce type. Quand on les regarde, rétrospectivement, c’est souvent des trucs avec des… Il y en a une avec une médecin légiste, un peu le même style. Et chaque fois, je me dis: Je fais exprès ou quoi ? J’essaie de prendre une bête série….

Natascha

C’est ça que je trouve enrichissant, je me dis que si on intégrait beaucoup mieux la différence dans la société, je pense que tout le monde aurait bien plus de compétences. Mes filles le pensent aussi.

Par exemple, elles pensent que côtoyer cette différence est normal pour elles puisqu’elles ont grandi avec moi. De ce fait elles ont même tendance à être attirées par des gens particuliers, que ce soit des trans, que ce soit des personnes qui ont des parcours atypiques, parce que ce n’est pas bizarre, c’est la vie, c’est normal, d’être différent.

Pour les autres, ceux qui n’y ont pas été confrontés, c’est beaucoup plus difficile à l’âge adulte de s’adapter, de s’ouvrir.

Alexia d’Hapyk

C’est sûr. Maintenant, ils parlent pas mal des jeunes aidants, donc des enfants qui ont un peu un rôle d’aidant avec leur famille. Ils mettent aussi ça en avant. Ils ont aussi un discours un peu: Il faut prendre en compte leurs besoins aussi, mais ils mettent en avant le fait que du coup, ils ont des compétences qu’ils ont acquis très jeunes.

Moi, j’étais aussi aidante quand j’étais jeune, donc je vois bien. Malgré moi, c’est pareil, ce n’est pas un truc qu’on décide ou qui est reconnu, mais je pense que ça te fait développer des compétences d’adaptation, des compétences…, de l’empathie.

Et puis tu es beaucoup plus ouverte à la diversité.

Natascha

Sans aucun doute. Et je ne sais pas si ce n’est que mon avis personnel, mais j’ai vraiment l’impression qu’en France, on est vraiment très en retard par rapport à tout ça.

Alexia d’Hapyk

Oui.

Natascha

Dans d’autres pays les handicapés ou les gens différents sont plus intégrés, on les voit plus. Chez nous, ils sont invisibles. Ils sont cachés car cela dérange et ça n’est pas normal, puisque cela fait partie de la vie.

Alexia d’Hapyk

Oui, encore que l’autisme est un handicap invisible. Mais quand tu penses à tous les autres handicaps, ils sont plus visibles, et pourtant on ne les voit jamais.

Natascha

C’est exact. Et c’est ça que je regrette parce que j’ai déjà un petit peu voyagé. Je suis allée en Suède, au Canada et je trouve ces pays plus inclusifs car on rencontre plus de personnes handicapées physiques ou mentales dans la rue.

Alexia d’Hapyk

Même en Espagne !

Natascha

Oui, on ne doit pas les juger, les montrer du doigt. En France, on ne les voit pas, et pourtant ils existent mais où sont-ils ? Ce n’est pas normal. Ce n’est pas logique, en fait.

Alexia d’Hapyk

Quand tu vois le tollé actuel sur l’école inclusive qui a réveillé la bête validiste.

Natascha

Oui, c’est affreux.

Alexia d’Hapyk

La violence des propos.

Natascha

Les neurotypiques ne sont pas plus normaux que les autres. Ils ne sont pas plus gentils, ni plus bienveillants. Bon là, je généralise.

Alexia d’Hapyk

Oui, mais c’est ça qui est… Parce que l’autisme, c’est un handicap. Et encore, est-ce que c’est un handicap, ça pourrait se débattre ?

Natascha

Oui, ça pourrait, parce qu’on a tous des différences, des forces, des faiblesses. Voilà.

Alexia d’Hapyk

Donc du coup, à ce sujet, le cliché qui t’énerve le plus au sujet de l’autisme ?

Natascha

Difficile. Qu’est-ce qui m’énerve le plus ?

Dans le spectre de l’autisme, je pense que tout le monde n’est pas nécessairement tolérant non plus.

Je suis moi-même très psychorigide. Donc même pour moi, ce n’est pas simple parfois d’accepter l’opinion de quelqu’un d’autre, j’ai toutefois l’impression que les autistes sont tout de même obligés de faire plus d’efforts pour s’adapter plutôt que l’inverse.

Donc, je ne sais pas, en termes de cliché, moi, c’est le fait de mettre à l’écart ou d’ignorer ou de faire semblant d’accepter quelqu’un alors qu’en fait, ce n’est pas le cas.

Le manque d’intégration me dérange vraiment parce qu’il y aura de plus en plus de handicap. C’est statistiquement prouvé. J’aimerais vraiment que ce soit considéré comme acceptable, c’est une particularité, certes, comme un grain de beauté sur le nez par exemple. Mais cela ne devrait pas déranger l’autre, ce n’est pas contagieux.

[Alexia d’Hapyk

Oui, que ça devienne un non-sujet, en fait.

Natascha

C’est ça, totalement. Que tout le monde soit un peu aidant, que tout le monde soit plus solidaire. Même si l’on sait que certains ne le seront jamais, mais j’aimerais que l’acceptation de l’altérité soit plus répandue. Mais bon, je sais aussi que cela restera un sujet compliqué. Tant qu’il y aura des frontières entre les pays, il y aura des différences de traitement liées à la culture. On n’y parviendra probablement jamais.

Alexia d’Hapyk

Je ne sais pas si tu as déjà un avis, parce que comme c’est tout un peu frais dans ton esprit, mais si toi, tu devais donner des conseils à quelqu’un de plus jeune, mais qui est déjà diagnostiqué, qu’est-ce que tu leur dirais de faire ou de ne pas faire ?

Natascha

Moi, ce qui m’a le plus manqué, c’est la confiance en moi et l’estime de moi.

Je pense que le meilleur conseil, celui que je donnais à mes enfants – car elles ont également un profil atypique si on compare à l’ensemble de la société : elles n’ont pas eu socialisation toujours facile et très peu d’amis proches, elles ne sont vraiment pas comme la majorité qui raffole des rumeurs, des ragots, parler dans le dos des autres –

ne pas craindre d’être soi-même car un jour on finit par rencontrer des individus qui vous acceptent tels que vous êtes.

Donc, je pense qu’il est important de s’accepter.

Malgré ce conseil, je mets du temps à l’appliquer sr moi. J’ai perdu de nombreuses années, mais tant pis. Le principal, c’est que je puisse le faire maintenant.

Me regarder dans le miroir et me dire : OK, tout va bien, ce n’est pas grave, on est différents, mais on l’accepte. Et puis on trouvera ces personnes qui nous conviennent, quoi qu’il en soit on ne peut pas s’entendre avec tout le monde.

Avoir confiance en soi, croire en ses capacités, ne jamais se laisser dévaloriser par une parole, par un geste, par quoi que ce soit.

Rester fort et ne pas se forcer à être ami avec des gens dont on sait qu’ils sont toxiques, malsains, qu’ils ne nous font pas du bien.

Dernièrement je suis plus régulièrement sur les réseaux, dans des groupes particuliers et je lis dans les fils de discussion que certains souffrent, partagent leurs questionnements, recherchent du soutien, des réponses, et il m’arrive de réagir.

Je pense qu’il faut rester solide, croire en soi, ne pas rester dans des relations pénibles, douloureuses. Il faut suivre son instinct, car si l’on ressent la moindre gêne, un mal-être, dans un emploi, dans une relation quelconque, il faut s’écouter au lieu de banaliser les faits, le ressenti.

Cela a une signification, c’est un signal de danger qu’il ne faut pas négliger, notre seuil de tolérance est peut-être atteint voire des limites franchies et il faut impérativement écouter ses doutes. C’est important.

Alexia d’Hapyk

Super. Merci Natascha!

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